Au cours du XVIe siècle, le nombre des titres imprimés s’accroît sans cesse,
ainsi que l’augmentation des tirages. L’emploi de la feuille d'or est désormais commun,
mais restreint-il par son coût l’extension du décor, naguère généreusement
appliqué "à froid"?
Sur la plupart des volumes usuels l’ornementation se raréfie.
L’écart s’accentue encore entre cette reliure courante et le style des beaux exemplaires princiers
ou d’amateurs. Ceux-ci continuent d’offrir sur leurs plats une architecture de plus en plus savante où
les tracés rectilignes des roulettes cèdent la place à de gracieuses courbes et volutes
construites de petits fers (fleurons et palettes ), ou incrustées en mosaïque.
L’élégance abstraite des entrelacs peut dans certains cas écarter tout motif végétal. Ailleurs, les feuillages persistent dans des encadrements de rinceaux et de palmes et des branches "au naturel" sont, dit Geoffrey Hobson, l’un des thèmes obligés des décors "à la fanfare". Dans la reliure usuelle, l’ornementation apparaît discrètement sur les dos et délaisse les plats. Ceux-ci, vers la fin du siècle, présentent classiquement un filet d'encadrement accompagné au centre d'une plaque ovale, motif abstrait "azuré" ou couronne de deux branchages.
A partir du XVIIe siècle, ce décor des plats disparaît souvent totalement, au profit du dos qui est devenu sur les rayons la partie du livre offerte aux regards : d'abord simple fleuron dans chaque entre-nefs, l'ornementation s'amplifie et occuper toute la place disponible. Elle prend en fin de siècle un parti géométrique, répète sur chaque compartiment un même assemblage de cinq fleurons, losange central, flanqué en angles de quatre écoinçons triangulaires, où la géométrie parle plus à l'œil que le détail des graphismes. On y voit cependant ressurgir quelques notes florales.
Cet usage se poursuit au XVIIIe siècle, particulièrement dans les reliures faites en série pour les libraires. Cependant le décor s'allège, le losange central cède de plus en plus la place à des fruits (grenades) et fleurs, les triangles d'encadrement, à des rameaux et palmettes. Les plats vides invitent le possesseur du volume à y placer sa marque : ses armes dont les meubles héraldiques peuvent être arbres, fruits ou fleurs s'installent dans des supports ou un encadrement de rameaux et de palmes. Entre la sobriété que gardent les reliures commerciales en veau brun ou basane et les grands exemplaires de prestige, prend place une reliure de qualité, maroquins rouges, verts ou citrins dont les plats s'ornent de délicates dentelles aux petits fers et à la roulette. Le goût croissant du temps pour la Nature et la botanique y introduit des fleurs, des fruits. Parfois, des incrustations mosaïquées, des aplats de vernis colorés, des motifs peints peuvent faire d'un plat un panneau décoratif floral, voire une scène champêtre. La profusion du décor amène en réaction un type de reliures "jansénistes" aux couvrures presque nues.
Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, des reliures de qualité, la plupart en maroquin, opposent le contraste d'un extérieur dépouillé et de contreplats très ornés. Ce contraste joue également par l'emploi de riches papiers de garde (voir document H).