Les naturalistes de la Renaissance sont d’abord des  lecteurs, mais des lecteurs critiques. Ils ont lu l’Histoire des plantes de Théophraste, les ouvrages de Dioscoride  et l’Histoire naturelle de Pline. Ils  y ont trouvé des noms grecs ou latins, et des descriptions incluant non  seulement l’apparence extérieure du végétal, mais aussi ses usages  thérapeutiques, des recettes diverses, et des récits mythologiques, issus le  plus souvent d’Ovide, évoquant des origines fabuleuses ou des métamorphoses  étranges susceptibles de rendre intelligibles tantôt la vertu, tantôt la forme,  voire le nom de la plante.
		 A la Renaissance, les traités de botanique rendent compte  d’un mouvement de compilation et d’expansion des savoirs : les opinions des  textes antiques sont confrontées entre elles, et complétées grâce à une  observation de terrain, menée par les naturalistes eux-mêmes. Il s’agit, en  voyageant et en herborisant, de vérifier, voire de corriger par l’observation in situ les éléments du savoir antique.  Ainsi Pietro Andrea Mattioli, Jacques Daleschamps, Rembert Dodoens, Leonard  Fuchs et d’autres s’évertuent à identifier les plantes grâce à une nomenclature  fiable, puis à les classer. 
		
 La principale difficulté, la principale nouveauté, consiste  à la Renaissance dans cet approfondissement critique de la nomenclature : les noms attribués par les  Anciens sont parfois ambigus, et admettent la possibilité pour une plante  d’avoir plusieurs noms, de n’en avoir pas du tout, ou qu’un seul nom puisse  désigner plusieurs plantes différentes. La plupart des botanistes du XVIe  siècle indiquent le nom de la plante dans toutes les langues connues, français,  anglais, espagnol, allemand, italien, parfois arabe si la médecine s’en est  mêlée, parfois dans une langue « barbare » si le nom n’a pas  d’équivalent en dehors de sa sphère géographique d’origine, et bien sûr en  latin et en grec. Les ouvrages présentent fréquemment plusieurs index des noms  de plantes, rangés par langue. Mais si une plante est inconnue des Anciens,  elle n’aura qu’un nom vulgaire et actuel, sans équivalent grec ou latin. Le  savoir local alimente les connaissances, au même titre que l’érudition  gréco-latine.
		  
		  Le second point de rupture avec la tradition porte sur le  classement. Doit-on adopter, comme Théophraste, un classement par taille  (arbres, arbrisseaux, sous-arbrisseaux et herbes), faut-il classer la plante  selon la forme de sa racine, la couleur, la vertu, la nature du sol, les aires  de culture ? La question apparaît et tente d’être résolue dans ces textes  qui cherchent à exposer un savoir clarifié. Les ouvrages sont dotés de tables  récapitulatives présentant les plantes par familles (plantes à bulbes par  exemple), par couleur, par type de feuilles. Quel que soit le classement  général adopté, le texte concernant chaque plante s’organise par  rubriques : description, noms (incluant des remarques philologiques),  vertus, lieu et climat de culture, espèces (confrontées avec les inventaires  des Anciens), mythes et légendes. 
		  C’est dire si les traités scientifiques sont conçus comme  des outils encyclopédiques de connaissance, à destination des étudiants, des  naturalistes, des apothicaires, ou des simples curieux. L’illustration prend  alors nécessairement une importance critique : puisqu’elle fait partie de  l’information scientifique, il importe qu’elle soit précise et discriminante.  D’abord les images sont peintes dans les manuscrits ; l’imprimerie, grâce  à des bois gravés (éventuellement coloriés), permet de reproduire des modèles  représentés d’après nature en regard du texte. La gravure sur cuivre permettra  aux siècles suivants d’affiner le dessin, et les différentes parties de la  plante seront de plus en plus distinguées et détaillées. 
Myriam Marrache-Gouraud