Introduction

Plantes et emblèmes

Les plantes dans les emblèmes et devises médiévales

A la fin du Moyen age, les princes européens complètent leurs armoiries par des signes plus personnels que les sources du temps nomment des devises. Ces emblèmes soutiennent à la fois une fonction emblématique – ils disent qui est qui – et symbolique – ils expriment un sentiment, un idéal, une vertu. Ces figures représentées de façon réaliste et librement composées – et non inscrites dans un écu et soumises à des règles comme celles du Blason – puisent dans les registres chers aux élites : la foi, l’amour, la guerre, la chasse. De nouveaux thèmes apparaissent aussi comme les techniques ou la botanique. Le monde végétal occupe en effet une place de choix dans ces devises puisque près de 30 % d’entre elles montrent une plante ou une fleur reflétant la véritable passion de la société de cour des XIVe et XVe siècles pour les jardins.

Les motivations de ce choix végétal sont multiples. Dans la continuité des pratiques héraldiques, nombres de Puissants adoptent un emblème parlant. Ainsi plusieurs princesses prénommées Marguerite en porteront la figure à l’instar de Marguerite d’York, épouse du Téméraire. Il est en revanche moins aisé d’associer immédiatement la mûre à Ludovic le More ou la branche ursine à la famille Jouvenel des Ursins.

Dans le même esprit, certaines plantes doivent à un jeu de mot plus ou moins subtil d’apparaître dans les devises princières pour y exprimer un sentiment tels les pensées, les soucis, les myosostis ou ne m’oubliez mie, les ancolies (mélancolie) ou les chardons (cher don).
Plusieurs fleurs et plantes supportent déjà avant le développement de la devise une riche symbolique voire une emblématique précise. Lis, rose et chardon font ainsi partie des attributs de Marie et peuvent à ce titre être choisis comme emblème. De la même façon, le chêne est la quintessence de l’arbre comme la rose reste La fleur par excellence. Mais aux côtés de ces figures attendues, l’emblématique de la fin du Moyen Age révèle la curiosité du temps en matière de botanique avec l’apparition dans les devises de plantes rares ou ordinaires dont rien, si ce n’est peut-être la beauté intrinsèque ou les vertus médicinales, ne justifie l’adoption pour se représenter. Charles VI jette son dévolu sur le genêt figuré en branche, fleurs et cosses. Son épouse Isabeau se fait connaître par le mourron blanc. Son frère Louis d’Orléans retient l’ortie et leur cousin Jean sans Peur le houblon. Leur parent Charles de Navarre prend pour devise la feuille de châtaignier quand son frère Pierre adopte la figue. La liste et longue de ces fleurs et plantes qui offrent aux princes et à l’ensemble de la société de cour les signes de leur statut et de leur puissance. Si tous ne s’expliquent pas d’un point de vue symbolique particulier, ces végétaux sont assurément pour les hommes de ce temps les fruits d’un même et unique Arbre de Vie, figures de la Création et image, par leur cycle, de la Résurrection à laquelle tout homme est appelé.

Laurent Hablot